Une autre Afrique

Texte et photographies : Karine et Damien Demetz

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Karine et moi sommes allés en Afrique du Sud. C’était alors le début du printemps austral. Durant la majeure partie du périple, nous souhaitions découvrir une autre Afrique, loin du cliché (alléchant toutefois) centré sur les « big five ». Sur les trois semaines et demi du voyage, seuls six jours ont été consacrés à la région du Kruger et à la grande faune africaine telle qu’on se l’imagine. Nous avions inscrit au programme les manchots du Cap et plus généralement la péninsule du Cap et ses paysages magnifiques, la découverte de la faune marine de cette région très riche en espèces, des plateaux recouverts de fleurs à cette époque, des canyons… Ce programme diversifié nous a enchanté, tant par ce que nous avons vu que par les rencontres avec des sud africains très accueillants. Bref, il se pourrait bien qu’on y retourne ! Passons maintenant aux images. On vous emmène dans la péninsule du Cap, un lieu qui à lui seul évoque le voyage et la découverte : les comptoirs, le Cap de Bonne espérance… Même si cet endroit a été le premier colonisé, il a su garder des petits coins de paradis. L’océan de part et d’autre, des montagnes escarpées, des plages de rêve… :

Suivez le guide !

Cap de Bonne Espérance

Agames

Bontebok

Bonteboks rencontrés sur cette même plage du Cap de Bonne Espérance. Contrairement à chez nous, ce sont les animaux qui prennent possession du bord de mer. L’ambiance était extraordinaire.

Toujours dans la réserve du Cap, on rencontre également des amis à plumes dans ce paysage de fynbos et d’océan.

Après les côtes, le sable et notre balade à la pointe du Cap où nous avons vu ces beaux agames, nous finissons la journée dans le fynbos, cette végétation unique qu’on ne trouve que dans cette région du monde, composée essentiellement de bruyères, de sortes de joncs et de protéas. Je prendrai le temps de vous en dire plus sur ce “royaume floral du Cap” dans la suite du reportage. Au coucher du soleil, nous devons être à la barrière de sortie de la réserve naturelle car, comme beaucoup de parcs et réserves en Afrique du Sud, les horaires correspondent malheureusement au lever et au coucher du soleil. Heureusement, sur la route qui nous mène à la sortie, nous profiterons de quelques dernières opportunités.

Ce matin, nous nous levons tôt pour aller profiter du site de Boulders à Simons Town. Sur ces plages à l’est de la péninsule, nous allons voir une colonie d’oiseaux bien particuliers, les manchots du Cap. Ces oiseaux qui ne savent pas voler mais nagent très bien, sont classés parmi les espèces en danger sur la liste rouge de l’UICN. En 2010, ils étaient environ 55 000 oiseaux, contre plus de 4 millions en 1910. Leur population est toujours en régression notamment à cause de la surpêche et des pollutions par hydrocarbures. Pour plus d’informations sur cet oiseau : http://www.oiseaux-birds.com/fiche-manchot-cap.html Quelques pas et nous tombons déjà nez à nez sur quelques manchots qui traversent la rue devant nous, pressés de rejoindre les coins qu’ils se sont appropriés sous les maisons de ce quartier urbanisé de bord de mer. Le principal site est encore fermé, nous longeons donc le bord de mer jusqu’à une plage entourée de beaux rochers de granit. Des manchots sont déjà en route pour prendre un bain matinal dans l’océan. Nous sommes seuls, le soleil se lève. Nous ne bougeons plus, et petit à petit, les manchots s’habituent à nous. Ils vont et viennent, se baignent et … braient comme des ânes ! Quelques damans des rochers se baladent également et viennent profiter de la chaleur du soleil. Plus tard, nous irons rejoindre le site principal, dans lequel ont été aménagées des passerelles sur pilotis qui permettent de voir les manchots dans de bonnes conditions sans les déranger. Les clôtures installées autour permettent de limiter les prédations par les animaux domestiques et évitent aussi que trop de manchots aillent squatter les maisons alentours ! Des terriers en plastique sont également installés par le parc national pour favoriser les nidifications et les manchots se les approprient bien. Nous passons ainsi une matinée extraordinaire. Aux premières lueurs du jour, nous avons aperçu les premiers individus sortir du bain. On distinguait à peine les silhouettes. Merci le D3 !

La Montagne de la Table domine la ville du Cap, 1000 mètres au dessus de l’océan. Elle se trouve au nord de la chaîne montagneuse de la péninsule, et se reconnaît de loin avec ses flancs abrupts et son sommet plat. Elle est formée de grès sédimentaire reposant sur des schistes argileux et des socles de granit. C’est un endroit magnifique pour randonner avec des points de vues superbes sur le massif et l’océan. Voici les habitants les plus opportunistes de la Montagne de la Table.
Les damans (des rochers, des steppes et des arbres) sont des mammifères ongulés et constituent à eux seuls l’unique famille de l’ordre des Hyracoïdés. Mais pour les zoologistes, ils conservent encore une position systémique incertaine. Leurs plus proches cousins pourraient être les éléphants (et oui!!!) car ils ont notamment 4 doigts à l’avant (plantigrade), mais 3 à l’arrière (digitigrade) protégés par des sabots !… Bref, les damans sont des petits animaux sympathiques qui ressemblent plus à des marmottes qu’à des éléphants, vivent en groupe, souvent vers les humains. Ils sont herbivores et passent beaucoup de temps à se dorer la pilule au soleil. On les retrouve dans quasiment toute l’Afrique.

Daman

En randonnant sur la montagne de la table, on peut apercevoir des oiseaux colorés comme ces souimangas orangés.
Nous étions en pleine journée et nous baladions seulement avec le grand angle quand on a vu un couple de monticole tout près de nous ! Damien a vite sorti son 500 du sac à dos mais impossible de faire la netteté avec des oiseaux si proches ! Entre le terrain rocheux et le soleil trop dur, nous n’avons pas fait de belles photos avant qu’ils repartent. Mais quel bonheur de voir ces oiseaux que nous croyons être des monticoles de roche. En fait, il s’agissait de monticoles rocar (monticola rupestris), très semblables aux monticoles de roche, mais qui vivent dans les montagnes à l’est et au sud de l’Afrique du Sud.

Nous voulons enfin prendre le temps de vous parler du milieu dans lequel évoluent ces animaux. Cette région florale est exceptionnelle. La région floristique du Cap, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, est la plus petite des 6 régions florales du monde, caractérisée par une végétation de type maquis appelée fynbos. Bien que très réduite (46 000 km²) cette région offre une variété importante de microclimats grâce à la proximité de la mer et des reliefs très accidentés. Le climat est de type méditerranéen, c’est-à-dire chaud et sec en été, frais et humide l’hiver. Le sol est globalement pauvre en nutriments, sablonneux, acides et secs, provenant du grès de l’ensemble de la Montagne de la Table. Les zones côtières sont soumises au vent et aux embruns. En montagne, par contre, il n’est pas rare d’observer des gelées voire des chutes de neige. Les fynbos connaissent donc un climat capricieux et parfois hostile. Malgré tout, ils possèdent une biodiversité et un endémisme incroyables à l’échelle d’un territoire si peu étendu : près de 9 600 plantes dont environ 70% sont endémiques, et la densité d’espèces est la plus élevée au monde : 1 300 pour 10 000 km². A elle seule, la Montagne de la Table possède environ 2 200 espèces, soit autant que le Royaume-Uni ! Les protéacées, restionacées (joncs) et éricacées (bruyères) y sont les familles les mieux représentées mais il y a aussi une grande variété de plantes à bulbe, de succulentes, de géraniums et d’astéracées. Beaucoup de plantes horticoles que nous trouvons en France viennent du fynbos (géraniums, iris, freezias…). En été, la chaleur, la sécheresse et le vent provoquent des incendies détruisant souvent de grandes portions de fynbos qui en fait le régénèrent et l’enrichissent : ces feux sont en effet nécessaires pour réduire la densité des broussailles, permettre aux graines enfouies dans le sol de germer ou de se détacher des fruits ligneux des protéas. En février 2006, un feu sauvage fit rage pendant une semaine dans la province du Cap, brûlant de vastes étendues de fynbos ; sur une seule réserve naturelle privée, environ 70 nouvelles espèces de plantes furent dénombrées dans les mois qui suivirent. Mais 1 400 espèces du fynbos sont rares et menacées par l’introduction d’espèces étrangères et par la pression humaine.
Les protéacées sont les plantes les plus spécifiques et les plus spectaculaires avec leurs énormes fleurs. On ne les trouvent que dans le fynbos, avec 83 espèces. La plus symbolique est la protéa royale dont les fleurs peuvent faire 40 cm de diamètre ! En ce début du printemps encore assez frais, les fleurs ne sont pas très odorantes, ni dans la péninsule du Cap ni au milieu des tapis de fleurs de la côte ouest, ce qui était très bien car Damien et moi sommes allergiques. C’est plutôt par leurs couleurs que les fleurs attirent les pollinisateurs. Malgré tout, il y a une telle diversité qu’il y a forcément des fleurs odorantes, notamment plus tard dans la saison, avec les orchidées, les lys…

Pour la visite de la péninsule, nous avions établi notre camp de base dans un charmant petit port au sud de Cape Town du nom de Hout Bay. En afrikaans, cela signifie « la baie du bois ». C’est cette ressource qui a incité les Hollandais à y installer une colonie pour réparer leurs bateaux. Aujourd’hui, la forêt a entièrement disparu. Dans le port, des visiteurs inattendus fréquentent les bassins. Cette image rigolote peut également être lue de manière dramatique puisque l’otarie est photographiée devant sa plus grande menace : l’homme et ses bateaux. En effet, elle est victime de la surpêche (son régime alimentaire est principalement constitué de poisson), des pollutions (ingestion de plastiques) et du braconnage (elle a la mauvaise réputation de manger beaucoup de poissons). L’otarie à fourrure du Cap est installée sur les plages d’Afrique du Sud et de Namibie. Ce dernier pays compte la plus grande colonie à Cape Cross sur la côte des Squelettes (Skeleton Coast). A quelques encablures du port de Hout Bay, on peut voir de nombreux individus se reposer sur des rochers plats. Il ne s’agit que d’un lieu de repos et pas d’une colonie au sens strict puisqu’il n’y a pas de reproduction. Les rochers sont trop exposés aux énormes vagues qui battent toute la côte.

Terminons la visite de la péninsule du Cap par les alentours du phare de Kommetjie. Nous nous rendons maintenant dans la direction Hermanus, la « capitale » sud-africaine de l’observation des baleines franches australes. Ici en effet, les baleines viennent s’accoupler et mettre bas entre juin et décembre, quittant ainsi les régions subantarctiques. Depuis le sentier côtier, nous scrutons les eaux calmes de la Walker Bay et arrivons assez vite à repérer des queues ou des jets trahissant la présence de ces énormes animaux si extraordinaires ! Les instants sont magiques, surtout le soir alors que extraordinaires ! Les instants sont magiques, surtout le soir alors que le soleil se couche.

Le lendemain, nous prenons un bateau pour aller à la rencontre de ces géants des mers. 2 baleines sont au loin, le bateau est arrêté mais elles continuent à venir vers nous. On se sent petit ! En fait, nous avons la chance de voir un accouplement; c’est ce que l’on finit par comprendre en écoutant le guide ! Pas facile en effet d’observer ces animaux depuis la surface, comprendre quel bout émerge de l’eau, ce qu’ils font… ! Le spectacle reste incroyable, notamment grâce aux sons et aux mouvements d’eau provoqués par ces colosses !

Lors de la sortie, nous avons également fait d’autres rencontres. Je ne reviens pas sur les explications concernant les otaries à fourrure car elle ont été données plus haut dans ce reportage. Après notre sortie en bateau, une balade sur cette côte à l’est du Cap nous a permis de croiser quelques oiseaux dont ce bruyant et nerveux vanneau armé.

Nous vous emmenons maintenant plus au nord, sur la côte ouest, dans le bien nommé “West Coast National Park”. Comme nous avons dormi à l’intérieur du parc, nous avons pu nous affranchir des horaires de fermetures des portes : à nous le parc 24h/24 !
Résidant dans le Parc, nous avons pu profiter des lumières du soir.

Voici maintenant une suite avec quelques passereaux rencontrés dans la lande de bord de mer avant de passer à un autre style.

Nous continuons sur le West Coast National Park avec des photos prises dans la partie du parc ouverte au printemps et en journée seulement (Réserve de Postberg) pour ses tapis de fleurs annuelles très colorées. En plus des oiseaux, des grands animaux y ont été réintroduits comme les très rares zèbres des montagnes. Il faut dire que la côte ouest de la région du Cap (notamment le Namaqualand) est connue pour ses beaux tapis de fleurs multicolores que l’on trouve entre août et septembre. Dans cette région semi-désertique, les fleurs apparaissent après les premières pluies et doivent être vite pollinisées. Il s’agit surtout de plantes annuelles avec beaucoup de marguerites et de gazanias, ainsi que des plantes à bulbe et des succulentes… Nous retrouvons nombre d’entre elles dans les jardins français !
Les photos d’animaux prises au milieu de ces tapis de fleurs sont tout à fait exceptionnelles du fait de cet environnement inhabituel. Nous nous en sommes donnés à cœur joie !

Nous poursuivons notre route vers Lambert’s Bay et sa colonie de fous du Cap. Les tortues sont bien nombreuses à traverser la route. Il faut être vigilant ! En chemin, au bord de l’océan, des fleurs sauvages encore mais aussi ces animaux sur de beaux rochers orangés que Damien a su prendre en photos.

Notre route nous mène maintenant à Lambert’s Bay, petite ville de la côte ouest où environ 5000 fous du Cap nichent sur une petite île où nous pouvons nous rendre à pied. A notre arrivée, nous sommes contents de voir que les fous sont bien là ! En effet, ils avaient déserté l’île une année à cause des attaques des otaries à fourrures qui sont juste à côté et nous n’étions donc pas sûrs de les voir. Ils sont aussi de moins en moins nombreux, comme les manchots, victimes notamment de la sur-pêche qui les contraint à aller chercher le poisson de plus en plus loin.
Encore tributaires des horaires d’ouverture, nous négocions avec les gardes une arrivée plus matinale pour le lendemain.
Quand nous arrivons, la colonie est déjà très active. Nous les entendons de loin. C’est la pleine période des parades. Et nous avons la chance qu’il y ait un peu de vent pour permettre aux fous de voler. Nous ne tardons pas à enchainer les prises de vues, l’un au 500 et l’autre au 70-200.

Notre route nous emmène maintenant sur le delta de l’Olifant River. Outre les flamants roses et les limicoles, nous avons la chance de faire ici une très belle observation de busard maure, un rapace rare et majestueux. On trouve cette espèce uniquement dans cette région. La population est estimée à environ 2000 individus. Pour en savoir plus sur cet oiseau et la région que nous vous avons présentée dans ce fil, nous vous conseillons le très beau documentaire en français “Dans le nid du busard” sur dailymotion : http://www.dailymotion.com/video/xochmh_dans-le-nid-du-busard_animals#.UUtyPr_WmX0
Le busard chassait au dessus du fynbos côtier près du delta. Il est venu à plusieurs reprises au même endroit et nous en avons donc profité pour le mettre dans la boîte.

Busard maure

Le dernier site que nous voulons vous faire découvrir se situe au bord du plateau du Karoo. Nous quittons en effet la côte et prenons la direction de Nieuwoudtville, une campagne sud-africaine, peu visitée par les étrangers mais pourtant si jolie au printemps.
Outre les belles rencontres humaines que nous offre les fermes qui ouvrent leur propriété aux visiteurs, nous découvrons une campagne incroyable, avec des grandes étendues de fleurs sauvages et différents types de végétation, des cascades et des canyons. Les fermes vivent ici des moutons et du rooibos, le précieux « thé » rouge de cette région. D’un point de vue botanique, c’est le royaume des plantes à bulbes ou géophytes, qui peuvent résister aux fortes chaleurs de l’été. Mais il y a aussi beaucoup d’autres plantes, notamment beaucoup d’annuelles et de succulentes. Quelques oiseaux, notamment des grues du paradis que nous n’arriverons pas à prendre correctement en photo (elles sont aussi farouches qu’en France). Malheureusement, nous ne resterons pas assez sur place et le vent ne nous permettra pas de faire beaucoup de photos. Mais nous y retournerons car c’est un endroit vraiment superbe.

Nous arrivons à la fin de ce périple dans la région du Cap.
Le plateau du Karoo est vraiment un formidable lieu d’observation de la flore. Nous avons profité de notre dernière journée pour partir à la recherche de fleurs en bordure d’un canyon dans lequel se jette une très belle cascade.
Nous voulions absolument terminer cette journée dans une forêt d’arbres à carquois. Ce genre d’endroit est rare et nous ne voulions pas manquer un tel spectacle. Nous avons bien fait, l’ambiance au soleil couchant était magique.
L’arbre à carquois n’est pas un arbre au sens strict du terme : il s’agit d’une plante, d’un aloé pour être précis. On ne peut donc pas parler de “tronc” mais plutôt de la tige. Certains spécimens font tout de même 5/6 mètres de haut !