Hérisson – Erinaceus europaeus

Texte : Pascale Hervieu – Crédit photographique : Emilie Tournier, Yvon-Henri Houzier, Roger Levalet, Marcel Terroy, Dominique Martin, Bernard Deman.

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Crédit photo : Emilie Tournier

Dans la faune animale, si nous devions décerner des médailles aux champions toutes catégories, nul doute que le hérisson se placerait souvent sur le podium !
D’abord, il est le seul mammifère en Europe à porter sur lui une armure naturelle et efficace. Celle-ci le protège d’un grand nombre de prédateurs. En dehors du blaireau et du Grand-duc qui se fichent de cette armure (nous y reviendrons), seul le chien peut s’obstiner bêtement sur lui, là où le renard comprend vite qu’il est inutile de s’acharner. Pour autant, le hérisson n’est pas hors de dangers puisqu’il est très souvent victime des activités humaines : feux de feuillages et branchages, tondeuses à gazon, circulation routière entre autres.
Ensuite, il fait preuve de capacités d’adaptations impressionnantes. Ainsi, résiste-t-il à d’importantes variations de températures et s’adapte bien à différents climats et à de nombreux milieux. On le trouve, en densité variable, aussi bien dans les villes en plaine qu’en forêt d’altitude dans toute l’Europe occidentale.
Il a également des capacités étonnantes à pouvoir manger tout et n’importe quoi sans risque d’intoxication. Ainsi, outre escargots, coléoptères, limaces, champignons, serpents, lézards, grenouilles et même charognes, le hérisson peut ingurgiter des insectes toxiques comme le mille-pattes et même le Méloé (scarabée bleu) au poison mortel pour tout autre animal, y compris l’homme. Mais son organisme ne résiste pas aux herbicides et insecticides utilisés par l’homme !
Ajoutons à tout cela un odorat très performant, une ouïe très sensible aux ultra-sons qui lui permet de détecter le moindre bruissement d’ailes, de pattes ou de mastication et un guidage tactile bien rodé et notre champion est prêt à affronter l’obscurité sans soucis, car le hérisson est un animal nocturne. (Un hérisson qui s’active la journée est probablement un hérisson malade).
Pour finir, notre ami est un excellent grimpeur. Il peut sans problème escalader un grillage, un arbre, une palissade jusqu’à environ 2 mètres de haut !
Mais comment redescend-il me direz-vous ? Eh bien, il a mis au point une technique unique et imparable : il se roule en boule et se laisse tomber ! Ses piquants jouent le rôle d’amortisseurs lui évitant la blessure au moment de l’impact au sol.
Et pourtant, malgré ces nombreuses performances, le hérisson reste vulnérable avec une population décroissante. Les causes sont multiples : utilisation de produits toxiques, bétonnage de ses espaces de vie, mutilation par les machines agricoles, circulation routière, activités de jardinage non appropriées…

Victime – Crédit photo : Bernard Deman

Alors bien sûr, en tant que défenseur de la nature, nous pourrions être tentés de vouloir sauver notre ami malgré lui… et là aussi, notre action peut être néfaste ; Ainsi, rappelons qu’il ne faut jamais donner de lait à boire à un hérisson. Par contre, il est recommandé de lui mettre de l’eau à disposition. De même, il n’est pas bon de le nourrir aux croquettes de chien, surtout quand on a un jardin bien sauvage comme il convient pour qu’il y trouve tout ce dont il a besoin. La loi est formelle, seul un centre de soin agréé est habilité à prendre en charge des hérissons pour leur apporter les soins qui conviennent. A ce jour, tout particulier (y compris sous couvert d’une association) qui accueillerait un hérisson dans son garage pour y passer l’hiver par exemple, est hors la loi.
Essayons de comprendre pourquoi et demandons-nous comment organiser notre jardin pour lui faire la vie belle !
Tout d’abord, il convient de savoir que le hérisson n’a pas de territoire bien défini. Il a besoin d’un espace vital de 100 000 m² (femelle) à 500 000 m² (mâle) qu’il parcourt régulièrement et dans lequel il aménage plusieurs gites. Il faut donc qu’il puisse passer d’un lieu à un autre par des passages aménagés (trous dans les clôtures en évitant la sortie sur les routes si possible).

Lorsqu’il se déplace, le hérisson peut atteindre la vitesse de 7,2 km à l’heure © Bernard Deman

Pour se déplacer, il avance tout droit, longeant quand c’est possible une haie ou un élément rectiligne du paysage (Mur, clôture, chemin de terre…). Si sur son passage se trouve un trou, il se laisse tomber dedans en utilisant la technique décrite plus haut. Il ne fait pas d’exception pour une piscine, ce qui n’est pas à priori un gros problème car notre ami nage très bien… cependant, à cause des parois lisses, il ne parvient pas à remonter, d’où la nécessité de lui aménager une rampe inclinée pour sa survie.
Certains sont casaniers et restent toujours dans la même zone de vie, tandis que d’autres se déplacent régulièrement d’une zone à une autre. Dans tous les cas cependant, le hérisson a besoin de se déplacer dans son espace vital et ne saurait rester dans un seul jardin, bien trop petit pour lui.
Concernant le gite, il n’est pas très difficile. Un tas de bois ou de feuilles, un trou entre les racines d’un arbre, un compost font très bien son affaire.
Pour l’aménager, il se met en boule à l’intérieur et roule sur lui pour lisser les parois autour de lui. Selon les saisons, les parois sont plus ou moins épaisses.
Mais, comme illustré ci-dessous, vous pouvez lui donner un petit coup de pouce. !

© Dossier LPO

Alors si vous souhaitez que votre jardin devienne un lieu d’accueil pour le hérisson, vous comprenez bien sûr qu’il vaut mieux favoriser un entretien modéré en prenant soin de ne pas utiliser de pesticide, en vérifiant toujours si vos tas de feuilles ou de bois sont habités avant d’y mettre le feu, en limitant l’utilisation des outils tranchants, en conservant des espaces sauvages (sous les haies par exemple) afin que notre ami y trouve la sécurité, le gite et le couvert.
Autre particularité de notre ami, qui explique pourquoi un hiver passé dans un garage est contre nature ! Il n’hiberne pas tel qu’on le conçoit en général.
Imaginons qu’il est doté d’une carte à points ! Celle-ci en comprend 26 au maximum qui correspondent tous à un réveil possible durant la période hivernale. Plus notre ami a emmagasiné de graisse avant l’automne, plus il a de points sur sa carte (et inversement). Pour disposer des 26 points, il doit impérativement peser 450 g au sortir de l’été. A partir de fin septembre, dès que la température extérieure passe sous le seuil des 15° il tombe en léthargie. Couché sur le flanc à l’intérieur de son nid (et non pas roulé en boule comme on pourrait le penser) sa température passe alors de 35° à 15°. Au bout d’une semaine, il se réveille et sa température remonte à 35°. Ce réveil, nécessaire pour éliminer l’acidose (baisse du taux de PH dans le sang) installée durant l’hypothermie, lui coûte une partie de sa réserve de graisse (ceci explique pourquoi il ne faut pas réchauffer ou réveiller un hérisson qui dort mais au contraire le laisser tranquille afin qu’il n’use pas inutilement son stock de graisse). La nature l’aide à réguler ses réveils comme il faut.
Puis au bout de 2 ou 3 jours, il retombe en léthargie* avec toujours un réveil au bout d’une semaine (à soustraire à sa carte à points). Sa température baisse au fur et à mesure que l’hiver avance, de telle manière qu’elle soit de 2 à 3 degrés au-dessus de la température extérieure. Il se trouve alors dans un état proche de la mort (5 battements de cœur à l’heure). Lorsqu’il gèle dehors, il se réveille automatiquement.
Tant qu’il lui reste des points sur sa carte, pas de problème, il vit sur son stock de graisse, mais dès qu’il a utilisé tous les points de sa carte, alors il doit impérativement trouver de la nourriture, faute de quoi c’est la mort assurée. Par conséquent, les seuls moments où les croquettes ou la pâté pour chien et chat peuvent lui venir en aide sont lorsque le hérisson ne pèse pas 450 g à la fin de l’été et lorsqu’il est en manque de points sur sa carte en cours d’hiver. Le reste du temps, cette alimentation peut provoquer une obésité morbide.

*A noter : en cas de très grosse chaleur l’été, le hérisson tombe également en léthargie.

Crédit photo : Marcel Terroy

Crédit photo : Dominique Martin

Crédit photo : Dominique Martin

A leur dernier réveil au printemps, les mâles, tout en s’alimentant, se mettent immédiatement et bruyamment (les hérissons ne savent pas se déplacer discrètement) en quête d’une partenaire. Cette quête est longue, d’abord parce qu’ils se réveillent en général avant les femelles, puis parce qu’ils doivent aussi affronter leurs adversaires et enfin parce que les femelles les font patienter longuement avant d’accepter l’accouplement qui n’aura lieu que dans le courant du mois de juin.
Ceci fait, Monsieur ira courir une autre femelle, puis encore une autre… chez les hérissons, on ne compte pas et la jalousie n’est pas de mise.

Crédit photo : Yvon-Henri Houzier

Madame elle construit un nid sûr et bien alimenté, ainsi que des nids secondaires pour le cas où elle devrait déménager sa progéniture à venir. La gestation dure 35 jours environ à l’issue de laquelle naissent 4 à 5 petits qu’elle allaite* pendant 3 semaines. A trois semaines, la mère encourage ses petits à la suivre dans ses déplacements, profitant de ce temps pour leur apprendre ce qu’ils doivent connaître de leur future vie d’adulte. Il faut que les petits apprennent vite, car au bout de 15 jours c’est le sevrage complet. Un mois plus tard, la mère ne les reconnait plus !

*« Le lait de la hérissonne diffère beaucoup du lait de vache : sa composition le rapproche plutôt de celui des animaux carnivores. C’est pourquoi il est si difficile de nourrir et de sauver les jeunes hérissons orphelins » la Hulotte N°77 page 25

Crédit photo : Roger Levalet

Crédit photo : Roger Levalet

Parlons maintenant de son armure unique et exceptionnelle.
A sa naissance, le hérisson est dépourvu de piquant (c’est la technique de l’accouchement sans douleur !). Au bout de quelques heures, sa peau est transpercée par une centaine d’épines blanches qui recouvrent son dos. Durant les trois semaines suivantes, bébé hérisson perd toutes ses aiguilles blanches (les aiguilles de lait ?) pour les remplacer par des piquants bruns. On a pu en dénombrer de 3 500 chez un hérisson juste sevré à 7 500 chez un gros mâle. Chaque aiguille tombe au bout de 18 mois et est remplacée par une nouvelle.
Ces épines composées de kératine sont légères car elles sont creuses. Cependant elles sont très résistantes et indéformables grâce à une structure intérieure qui les solidifie. Chacune d’elles est plantée dans un gros muscle appelé « bonnet » qui entoure le corps du hérisson.
Selon son degré d’inquiétude, le hérisson monte ou descend son bonnet.  On note 4 niveaux d’alerte.
Niveau 1, inquiétude modérée : le bonnet descend un peu et toutes les aiguilles se dressent sur le dos du hérisson.
Niveau 2, le danger se précise : le bonnet descend sur le front et sur les pattes, le hérisson n’est pas encore en boule.
Niveau 3, il y a contact avec l’assaillant : le hérisson se roule en boule, mais si on le retourne, on constate que sa tête reste visible.
Niveau 4 : l’assaillant attaque : le hérisson contracte au maximum le bonnet pour protéger également sa tête (à la manière d’un sac qu’on fermerait en tirant sur une ficelle).
Dans cette position, seul le bonnet reste contracté, tous les autres muscles du corps sont détendus, ce qui permet au hérisson de rester pendant des heures, roulé en boule sans fatigue.
Dans cette position, seuls le blaireau et le Grand-duc parviennent à l’atteindre. Le premier en entrant ses longues griffes dans l’orifice formé par l’ouverture du bonnet pour l’arracher, le second à l’aide de ses serres et de son bec pour arracher la peau épineuse.

Epines dressées, protégeant le front et les pattes = Niveau d’alerte 2 © Roger Levalet

Roulé en boule, tête encore visible = Niveau d’alerte 3 © Roger Levalet

Tête protégée = Niveau d’alerte 4 © Roger Levalet

Les jeunes hérissons, pas encore totalement rodés à la technique de niveau 4 peuvent être victimes du renard qui les prend de vitesse avant qu’ils deviennent inattaquables. Quant au chien, il peut arriver également qu’il s’acharne sur la pauvre bête, jusqu’à la tuer.
Et pour finir, parlons d’une réaction surprenante et qui n’a pas encore délivré ses secrets ! Lorsque notre ami renifle une odeur étrange, lèche ou mâchouille un objet incongru, il se met subitement à saliver abondamment. Il enduit alors ses aiguilles de cette salive mousseuse (« auto-lubrification ») sans que l’on sache pourquoi il fait cela.
Mais convenons-en, chacun a droit à sa part de mystère, alors pourquoi pas lui ?

Texte : Pascale Hervieu
Références :
La Hulotte (Revue la plus lue dans les terriers) N° 77

La Salamandre : Revue N° 257
L’oiseau Magazine N° 140
Mammifères sauvages d’Europe – Robert Hainard. Ed. Delachaux et Niestlé
Liens internet : 
https://www.lpo.fr/images/conservation/connaissance/3-om138_dossier_herisson.pdf
https://www.lpo.fr/images/conservation/connaissance/bulletin_refuges_45.pdf
https://www.lpo.fr/images/conservation/connaissance/guideherisson_gratuit_v2_web.pdf