Frelon européen

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Texte : Pascale Hervieu ; Crédit photographique : Bernard Deman, Jean-louis Reymonet, Bernard Mallet, Pascale Hervieu.

« Mal aimé, je suis le mal aimé… »*
Voilà un air connu que le Frelon, qu’il soit européen (Vespa crabro) ou asiatique (Vespa velutina) pourrait reprendre à son répertoire ! En effet, qui n’a pas été pris d’hystérie en voyant ce gros volatile entrer dans sa maison un soir, alors que les fenêtres sont grandes ouvertes et la lumière allumée. La crise ne cesse que lorsque l’intrus est ressorti, ou pire, qu’il a péri sous la claque d’un bon magazine ! (fichus magazines tueurs d’insectes !)
Sacrilège ! sachez-le car le Frelon européen* est un insecte pacifique qui n’attaque que pour se défendre ou pour défendre son nid. Il suffit pour se débarrasser de lui, d’éteindre les lumières et de laisser les fenêtres ouvertes. Il retrouve alors seul le chemin de la sortie.

* Le Frelon asiatique peut s’avérer plus agressif.

Sachez aussi que sa piqure n’est pas plus, voire même moins, douloureuse et dangereuse (sauf en cas d’allergie) que celle d’une abeille car il dose la quantité de venin qu’il injecte à son agresseur contrairement à l’abeille.

« Mal aimé, je suis le mal aimé… » (Le mal aimé – Claude François)
… Vous dirait aussi le Frelon, qu’il soit européen ou asiatique, puisque vous les photographes ne le prenez pas en photo !
Espérons donc que l’histoire d’une vie de Frelon changera votre approche de cet insecte et qu’à l’avenir vous vous intéresserez davantage à lui !
Débutons donc cette histoire de vie par la ponte d’une future-Reine.
Cela se passe autour du 20 août. A cette époque, la Reine-Mère n’est préoccupée que par une seule chose : pondre ! Cela fait déjà longtemps me direz-vous car elle a déjà pondu des milliers d’œufs depuis la mi-mai !
Oui ! mais jusque-là elle n’a pondu que des ouvrières (toutes des Frelons femelles) alors que maintenant, elle ne pond plus que des reines et des mâles (Les femelles naissent d’œufs fécondés, le mâle d’œufs non fécondés).
C’est un travail de titan puisqu’elle peut en pondre jusqu’à 60 par jour pendant une dizaine de jours.
Il a d’ailleurs fallu au préalable, adapter les alvéoles du nid en agrandissant les logements réservés aux futures reines afin qu’elles puissent s’y développer jusqu’à atteindre une grande taille, comme il se doit pour être Reine.
Quant aux mâles, leur taille dépendra de la grandeur de l’alvéole. Si par erreur, la Reine-Mère pond un mâle dans un logement adapté pour une Reine, alors ce mâle aura une grande taille. Pour autant, il ne sera pas proclamé Roi ! Lui est juste voué à féconder les Reines et à mourir ensuite (Tous les mâles sont morts à la mi-novembre) .
Le développement du Frelon (quel que soit son statut) se fait en plusieurs stades :
– D’abord, la Reine-Mère pond un œuf qu’elle colle au fond d’une alvéole de sorte qu’il ne tombe pas puisque l’alvéole est orientée vers le bas et qu’elle n’a pas de plancher.
– Au bout d’une semaine, une minuscule larve sort de l’œuf qui doit elle-même se coller à la paroi de sa loge, sinon, c’est la chute et la mort assurée.
– Dès lors, c’est la belle vie pour la larve (qu’elle soit royale ou non) puisque les ouvrières la chouchoutent en la nourrissant à volonté. Pour ce faire, les ouvrières chassent des insectes (principalement des mouches, mais cela peut aussi être des insectes plus imposants comme des criquets par exemple) qu’elles mettent en pièces dont elles ne gardent que le thorax (partie la plus riche en protéines puisqu’il est constitué des muscles des ailes), mastiquent, mélangent avec de la salive pour obtenir un jus de protéines dont elles nourrissent les larves (Ce travail est tout à fait désintéressé puisqu’à l’âge adulte les Frelons ne se nourrissent plus de protéines mais de sucre qu’ils prélèvent sur le tronc des arbres (sève), dans les fruits ou sur les fleurs. Leur « taille de guêpe » empêche le passage de tout aliment solide).
En retour, les larves récompensent les ouvrières avec un miellat qu’elles sécrètent à leur intention.
– La future Reine n’a qu’une seule chose à faire : grossir ! Ce qu’elle ne manque pas de faire jusqu’à remplir totalement son alvéole 8 à 10 jours plus tard (Une reine de Frelon mesure environ 35 mm, un mâle mesure entre 21 et 28 mm, une ouvrière mesure entre 18 et 25 mm).
– A ce stade, la larve entreprend de fabriquer un plancher en fil de soie pour s’enfermer dans son logement. La transformation peut alors commencer. En deux semaines environ, la larve devient nymphe puis Reine-Frelon qui émerge de son alvéole vers la mi-septembre.
Notre future Reine quitte le nid en compagnie des autres futures Reines et surtout des mâles qui se sont transformés selon un même calendrier. Tout ce petit monde sort définitivement de la « frelonnière » pour batifoler… c’est le temps sacré des amours et des accouplements sans lesquels l’histoire s’arrêterait là.
Vers la mi-octobre toutes les futures Reines cherchent un abri (dans un trou d’arbre, une cavité), chacune de son côté. S’en suivent plusieurs mois d’hibernation solitaire puisque notre jeune Reine émerge de son sommeil fin avril seulement. La vie bénie où elle était dorlotée est terminée !
Désormais seule, elle entreprend d’abord de se nourrir (cela fait plus de 6 mois qu’elle est à jeun) puis de commencer à construire son nid. Pour ce faire, elle découpe consciencieusement des lamelles de bois sur de vieux piquets de clôtures et des troncs d’arbres en décomposition, qu’elle mélange à de la salive pour obtenir une pâte de carton. Avec cette pâte elle commence par créer un pilier descendant fixé dans un endroit abrité du vent et de la pluie, auquel elle suspend les premières alvéoles.
A terme, en fin d’été, le nid est constitué d’une douzaine d’étages suspendus du haut vers le bas, entouré d’une enveloppe de papier fin pour garantir une température suffisante dans le nid. Il peut risquer la chute à cause de son poids impressionnant.
Le gros des travaux est réalisé par les ouvrières, mais tant que celles-ci ne sont pas nées, la Reine doit assurer seule ce travail de construction. C’est donc elle qui réalise le premier étage constitué d’une quarantaine d’alvéoles.
Au fur et à mesure de leur construction, elle pond dans chacune des alvéoles un œuf qui va se développer selon les étapes décrites précédemment.
Lorsque les larves apparaissent au bout d’une huitaine de jours, notre Reine-Frelon doit en plus des autres tâches (pondre et construire le nid) assurer le nourrissage des larves mais aussi défendre sa propriété car…

… « Mal aimé, je suis le mal aimé… »
Chez les Frelons, il n’est pas question d’amour entre 2 Reines. Pire que cela, certaines, à ce stade de la construction du nid sont tentées d’accaparer la propriété (nid, œufs et larves) d’une concurrente.
C’est alors une guerre sans merci qui donne lieu à des bagarres jusqu’à ce que mort s’ensuive d’une combattante par injection de venin entre les plaques de son abdomen, car elles ne sont pas immunisées contre leur propre venin.
La Reine survivante doit attendre encore une quinzaine de jours après l’apparition de la première larve avant qu’enfin une première ouvrière voit le jour, puis une deuxième et en quelques jours une dizaine d’ouvrières.
Ce n’est donc qu’à partir de la mi-juin que la Reine reçoit une aide précieuse qui lui permet de déléguer peu à peu aux ouvrières la construction et la défense du nid ainsi que le nourrissage des larves.
Elles doivent également assurer la climatisation du nid de sorte qu’il y fasse toujours 30 degrés. Pour cela, les ouvrières se mettent dans des loges vides entourant les larves et battent des ailes pour faire monter la température quand c’est nécessaire. Si, au contraire, la température extérieure excède les 30 °, alors, en plus de battre des ailes, elles pulvérisent de l’eau dans le nid pour faire baisser la température.
Les seules tâches de la reine désormais sont de se reposer et de pondre… Pondre énormément car une ouvrière, dont la vie est très exposée, a une espérance moyenne de vie limitée.
Quand arrive la mi-août, moment où la Reine décide de ne pondre plus que des futures-reines et des mâles, elle peut compter sur une colonie de 600 ouvrières mais cette colonie périclite peu à peu puisque les ouvrières ne sont plus renouvelées.
Début octobre, c’est la saison où les fruits arrivent à maturité. Les ouvrières prélèvent tous les jus de fruits qu’elles peuvent trouver (raisin, poire, prunes…) pour nourrir les larves des futures-Reines ainsi que celles des mâles. Désormais, elles n’ont que faire de la Reine-Mère contre laquelle elles ont signé un arrêt de mort qu’elles mettent à exécution vers la mi-octobre. Ce faisant, elles signent aussi leur arrêt de mort et celui de la « frelonnière »

« Mal aimé, je suis le mal aimé… » !
Seules les futures reines passeront l’hiver !
Ainsi va la vie des Frelons !

Nid de Frelon asiatique. Le Frelon asiatique construit son nid dans les arbres, contrairement au Frelon européen qui privilégie les lieux abrités du vent et de la pluie.
L’entrée du nid du Frelon européen se fait par le bas tandis que celle du nid de Frelon asiatique se fait sur le côté (ici, on peut penser à l’ouverture qui se trouve en haut à gauche). Les excroissances que l’on voit autour du nid (avec ouverture) sont en fait un système de double paroi qui a pour fonction de réchauffer le nid en emprisonnant une couche d’air entre 2 couches de papier.

Texte : Pascale Hervieu
Photos par ordre d’apparition sur mon disque dur : Bernard Deman, Bernard Mallet, Pascale Hervieu, Jean-Louis Reymonet.
Références bibliographiques :
La Hulotte (Revue la plus lue dans les terriers) N° 92, 94 et 95
Référence sitographiques :
https://www.galerie-insecte.org/galerie/Fam_Vespidae_07.html
https://www.galerie-insecte.org/galerie/Fam_Vespidae_08.html

Film à découvrir :

 

Autres références :
Merci à Claude François pour ce petit air qui vous trotte dans la tête maintenant !
« Le mal-aimé » – parole et musique : Terry Dempsey, Eddy Marnay